L’écosystème du donner et du prendre

Nous naissons tous en tant que preneurs. Aucun bébé n’est donneur. Ce n’est pas surprenant, car un bébé est entièrement dépendant de son soignant. En tant qu’enfant, nous ne sommes pas conscients des besoins des autres et nous exprimons sans honte ni culpabilité nos besoins et désirs primordiaux, même au milieu d’un supermarché !

En grandissant, nous apprenons ce qui est approprié ou non, ce qui est bon ou mauvais. De nos parents, soignants et de notre environnement, nous assimilons les comportements socialement souhaitables et apprenons à reconnaître et à adapter nos actions aux besoins des autres.

Cependant, certains enfants reçoivent trop peu d’amour, de soins et de soutien d’un parent strict, absent ou très occupé. L’enfant constate alors que ses désirs ne sont pas comblés. À ce moment-là, les preneurs et les donneurs commencent à se distinguer. Chacun adopte une stratégie différente pour obtenir ce qu’il désire.

L’une des stratégies consiste à espérer (donner), l’autre à renoncer (prendre). Globalement, on peut dire que les blessures subies durant l’enfance se manifestent dans les relations amoureuses et peuvent conduire soit à trop donner, soit à trop prendre.

Le donneur : orienté vers l’autre

L’enfant évolue en donneur dans l’espoir que le soignant l’aimera et le reconnaîtra. Les donneurs sont généralement attentionnés, très empathiques, capables de deviner les besoins d’autrui et savent exactement comment se comporter pour être aimables et sympathiques. Ils font beaucoup plaisir et sont dociles. Les donneurs se trouvent souvent entourés de preneurs qui obtiennent ce dont ils ont besoin.

Cependant, les donneurs qui poussent leur stratégie à l’extrême s’oublient eux-mêmes, dépassent leurs limites et se renient. Ils donnent beaucoup dans l’espoir d’être aimés. Quand cela ne se produit pas, ils deviennent très en colère et déçus. Ils finissent par s’épuiser, car ils ont laissé l’autre dépasser leurs limites.

 

Es-tu un donneur ? Alors tu te reconnaîtras dans ces caractéristiques :

• Tu as du mal à dire non et à poser des limites.
• Tu te sens souvent fatigué(e) et épuisé(e).
• Tu es attiré(e) par des partenaires qui semblent sûrs d’eux ou même arrogants.
• Tu es attiré(e) par des partenaires qui prennent facilement sans offrir grand-chose en retour.
• Tu as tendance à idéaliser les relations, tant pour toi-même que pour les autres.
• Tu n’apprécies pas demander de l’aide, tu ne veux pas déranger les autres.
• Tu es empathique et ressens rapidement ce dont les autres ont besoin.
• Tu te sens parfois incertain(e) quant à qui tu es et à ton apparence.
• Tu évites les conflits, cherches à apaiser ou prends injustement la faute sur toi.
• Tu te fais beaucoup de soucis.
• Tu as peur de ne pas être aimé(e) ou d’être abandonné(e).
• Tu souhaites être apprécié(e).
• Tu réclames parfois de l’attention.
• Tu trouves difficile d’établir des limites, ou tu ignores où elles se situent.
• Tu espères que des relations malsaines redeviendront comme au début, et tu y mets beaucoup d’efforts.
• Tu te retrouves souvent dans des situations où tu joues le rôle de sauveur.

Le preneur : orienté sur soi-même

Celui ou celle qui, ayant reçu trop peu d’amour et de soins durant l’enfance, évolue en preneur. L’enfant adopte alors la stratégie de renoncer. Il pense inconsciemment que s’il ne reçoit pas ce qu’il veut de l’autre, il prendra lui-même pour combler ses besoins.

Les preneurs concentrent leur attention sur eux-mêmes, sur ce dont ils ont besoin, et tentent de l’obtenir sans en parler directement avec autrui. Ainsi, ils évitent le risque de rejet. Quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, ils peuvent être très contrariés. Ils ne se regardent pas dans le miroir, mais se focalisent uniquement sur l’autre, qui ne fournit pas ce dont le preneur a besoin.

Parce que les preneurs se concentrent tellement sur leurs propres besoins, ils n’ont pas d’œil pour l’autre. Ils se retrouvent souvent confrontés à cette réalité lorsqu’ils deviennent parents eux-mêmes. Ils ne peuvent alors plus seulement se satisfaire, mais doivent aussi prendre en compte les besoins d’autrui.

Les preneurs s’engagent souvent dans une relation avec un donneur parce que ce dernier offre naturellement tout sans qu’il soit nécessaire de le demander. Les preneurs ne montrent souvent pas de gratitude pour ce qu’ils reçoivent. Lorsque le preneur pousse sa stratégie à l’extrême, nous parlons d’égocentrisme ou de narcissisme.

 

Es-tu un preneur ? Alors tu te reconnaîtras dans ces caractéristiques :

• Tu es très perfectionniste, et tu ne te contentes que d’un partenaire parfait.
• Pendant la phase amoureuse, ton partenaire semble parfait, mais dès que tu apprends à mieux le connaître, tu es déçu(e).
• Tu investis beaucoup de temps sur toi-même, plus qu’avec un partenaire potentiel.
• Tu fantasmes souvent sur le succès, l’amour idéal et la richesse.
• Dans plusieurs relations, des partenaires t’ont déjà dit te trouver égoïste ou froid(e).
• Tu te lasses rapidement de tes partenaires.
• Tu es sensible aux addictions telles que l’alcool, la drogue, le sexe et le jeu.
• Tu as du mal à te mettre à la place des autres ; l’empathie et l’intelligence émotionnelle ne sont pas tes points forts.
• Tu trouves souvent les autres peu intéressants.
• Il est très important pour toi de recevoir de l’attention, et tu peux être très déçu(e) si ton partenaire ne t’en donne pas assez.
• Tu te sens souvent supérieur(e) aux autres.
• Tu prends les critiques très personnellement et as tendance à te défendre violemment.
• Tu as beaucoup de mal avec le rejet et cherches rapidement des distractions.
• Tu es parfois infidèle.
• Tu cherches le bonheur dans des impulsions extérieures.
• Tu te disputes fréquemment avec tes partenaires.

Si tu te reconnais dans plus de six de ces caractéristiques, il est fort probable que des expériences de ton enfance aient affecté ta capacité à établir une relation amoureuse heureuse.

Si tu te reconnais dans les traits du donneur, tu es naturellement attiré(e) par des personnes qui présentent de nombreux traits de preneur, et vice-versa. Mais que faire lorsque cette attraction semble inévitable et que tu répètes sans cesse les mêmes schémas ?

Un bon équilibre

Une relation équilibrée n’émerge que lorsque l’acte de donner et de prendre est bien dosé, quand l’écosystème entre ces deux pôles fonctionne harmonieusement. C’est alors qu’une véritable connexion, saine pour les deux partenaires, peut s’établir.

Les relations les plus réussies sont celles où chacun donne. En d’autres termes, une relation fonctionne lorsque donneurs et preneurs se concentrent sur le don. Même si chaque partenaire l’exprime différemment, ils doivent tous deux vouloir soutenir et prendre soin l’un de l’autre sans rien attendre en retour.

Une relation entre un donneur très développé et un preneur très développé est généralement épuisante. Au début, c’est souvent le donneur qui en souffre, mais plus tard, le preneur se retrouve également délaissé lorsque le donneur décide de cesser de donner. Les donneurs se sentent alors souvent non reconnus, tandis que les preneurs se sentent abandonnés, car leur partenaire n’est finalement pas aussi parfait qu’ils l’avaient espéré.

Conseils pour le donneur :

• Ne te dévalorise pas. Sois plus indulgent(e) envers toi-même, tant dans tes pensées que dans tes échanges. Tu es suffisant(e) et mérites d’être aimé(e), par toi-même comme par les autres.
• Pratique l’auto-acceptation. Te condamner constamment ou toujours te reprocher les choses est inutile et injuste.
• Choisis parfois consciemment de penser à toi. Les donneurs craignent souvent d’être perçus comme égoïstes, mais tu ne le seras jamais. Tu consacres déjà la majeure partie de ton temps aux autres, il est temps de penser à toi !
• Cherche d’autres donneurs, car ils sauront mieux reconnaître ton besoin d’être apprécié(e). Les donneurs peuvent échanger leurs besoins entre eux.
• Si tu identifies un preneur, surveille bien ton niveau d’énergie. Définis clairement pour toi-même tes limites.
• Si tu te retrouves dans des relations destructrices, envisage de les arrêter. Laisse partir celles qui ne te conviennent pas et fais de la place pour l’amour de soi et l’amour bienfaisant des autres.

Conseils pour le preneur :

• Ne présume pas que tu peux construire une relation saine avec quelqu’un sans connaître ses besoins.
• Pose plus souvent des questions ouvertes à l’autre pour découvrir ce qui la préoccupe.
• Ne cherche pas à transformer ton partenaire en ton idéal. Remets en question tes attentes et essaie de changer.
• Soutiens ton partenaire et offre-lui des compliments. Ainsi, elle se sentira plus respectée et valorisée. Ce que tu nourris grandit !
• Apprends à admirer l’autre et à apprécier ses qualités.
• Reconnais la générosité de ton partenaire et essaie de t’en inspirer pour apprendre à donner davantage.

Recevoir est le nouveau donner

J’ai été élevé dans la conviction que le succès, l’argent, l’attention, l’amour et les cadeaux doivent être mérités. On ne les obtient pas sans effort, sinon on est gâté. Et c’est précisément ce que tu ne souhaites pas : être gâté ou paraître tel, car cela s’accompagne de honte.

Personnellement, je suis très doué pour donner, mais moins pour recevoir. Les compliments, l’aide, l’argent me mettent extrêmement mal à l’aise. J’ai l’impression de ne pas le mériter, comme si j’exploitais quelqu’un d’autre en acceptant, ou comme si je devais immédiatement compenser en donnant quelque chose en retour.

En tant qu’enfant, tu n’as pas le choix : tu dois accepter ce que te donnent tes parents. Pas seulement la nourriture, les vêtements, un lit et du matériel scolaire, mais aussi qui ils sont, leurs qualités et leurs défauts. Et si tes parents ne te fournissent pas ce dont tu as besoin, tu dois l’accepter aussi.

La compétence de recevoir réside dans l’acceptation. Tu l’apprends vraiment lorsque tu acceptes tes parents pour ce qu’ils sont. Une fois que tu embrasses le fait qu’ils sont tes parents et que tu es leur enfant, recevoir dans d’autres relations se fera plus naturellement. Et plus tu reçois, plus tu auras également beaucoup à donner.

Une relation saine commence donc par la capacité à recevoir. Les meilleures relations sont celles fondées sur la capacité à recevoir, et non seulement sur le fait de donner. Dans des relations nourrissantes et équilibrées, il existe un véritable écosystème de donner et de recevoir.

Si tu n’es pas capable de recevoir correctement, une personne saine finira par s’éloigner de toi. Il est en effet insupportable de pouvoir recevoir soi-même mais de ne jamais pouvoir donner (car cela n’est pas accepté).

C’est pourquoi, après un certain temps, les donneurs finissent par quitter les preneurs. Un preneur reste souvent avec un donneur parce qu’il apprécie de recevoir beaucoup et de donner peu. Mais tôt ou tard, le donneur s’épuise, ce qui conduit souvent à une rupture.

Certains ferment leur porte à la réception. Ainsi, ils laissent passer moins de compliments, d’amour et de soutien qu’ils ne le devraient, et en rêvent en secret. S’ouvrir et lâcher le contrôle représente non seulement un défi mental, mais aussi physique, ce qui peut se manifester entre les draps.

Pour maîtriser l’art de recevoir, nous devons oser lâcher les rênes et nous ouvrir. Cela se fait en ne camouflant plus nos vulnérabilités. On ne peut recevoir un véritable amour si l’on porte un masque ou si l’on a érigé un mur. L’amour ne peut circuler que si tu déposes tes armes, ouvres tes bras, reçois et donnes à l’autre une chance.

Extrait du livre RQ: Relationele intelligentie, voor singles, d’Annemieke Dubois, disponible chez Borgerhoff & Lamberigts.

 

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